REUTERS/Philippe Wojazer

En tuant cinq nouveaux soldats français, les taliban cherchent à exister dans les négociations à venir en Afghanistan. Ce n’est pas une raison pour leur abandonner le terrain.

Depuis l’embuscade d’Uzbin, en août 2008, qui avait causé la mort de 10 soldats français, les forces françaises présentes en Afghanistan n’avaient jamais essuyé un tel revers: 5 militaires morts et un civil afghan, tous victimes d’un attentat suicide commis lors d’une assemblée de notables. Cet acte terroriste a été revendiqué par les talibans; il porte le nombre des pertes françaises à 69 hommes depuis 2001.

Le risque immédiat est de voir le retrait programmé des forces françaises, dans le sillage des troupes américaines, s’accompagner d’une montée en puissance des opérations offensives entreprises par les taliban. Non parce qu’ils contrôlent réellement le terrain, mais parce que c’est pour eux un moyen d’entrer dans la négociation avant même qu’elle ne s’ouvre. C’est une action de harcèlement qui vise à convaincre tous les alliés de se plier à leurs exigences et, surtout, à les forcer à considérer les taliban comme les représentants naturels, voire légitimes, du peuple afghan. De quoi saper l’autorité d’Hamid Karzaï (ou plutôt ce qu’il en reste), la semaine même où son demi-frère a été abattu. Nul doute que cette stratégie va se poursuivre; et qu’elle va continuer d’exercer des effets destructeurs sur toutes les forces occidentales.

De cette donne, de plus en complexe, deux conclusions peuvent être tirées.

1. Le débat politique français se situe à mille lieux des réalités du terrain. Réclamer, comme le fait le PS par la voix d’Harlem Désir (dont on cherche encore la compétence en matière d’affaires étrangères), « le retrait rapide de nos soldats, et ce sans attendre la fin de l’année 2014 », est d’une rare démagogie. D’abord parce que c’est en pratique impossible: on ne quitte pas un tel guépier en pliant bagages du jour au lendemain. Les processus de transfert d’autorité, de relais transmis aux Afghans, de mise place de dispositifs de substitution ne sont pas des affaires simples. Partir d’un seul coup peut avoir des effets contraires à ceux recherchés: fragilisation extrême de nos dernières troupes, exposition des civils… Laisser croire à l’opinion française qu’il suffit de se retirer pour que tout rentre dans le calme n’est pas honnête.

Ensuite, cela doit être accompli en étroite concertation avec nos alliés, donc sans précipitation et en bon ordre. Désespérer l’opinion publique et la dresser contre l’opération afghane (qui avait fait jusqu’ici l’objet d’un large consensus entr la gauche et la droite!) n’est pas une bonne chose.

2. Plutôt que de « quitter » l’Afghanistan, mieux vaut évoquer un « changement de présence » dans ce pays. Pour des raisons multiples (aide aux forces de sécurité afghanes, formation des policiers, appui aux efforts de reconstruction…), on ne « désertera » pas l’Afghanistan. Il faut y maintenir une présence, ne serait-ce que pour continuer de s’y informer et pour y disposer d’une base à proximité du Pakistan, pays de tous les dangers.

Ce qui manque aux forces de l’OTAN est donc une vraie stratégie de substitution à celle qui, depuis 2001, a déjà changé plusieurs fois- avec le résultat que l’on sait. Une ambition raisonnable mais ferme, car cette région ne va pas cesser d’être périlleuse autant que cruciale. Pour éviter que l’Afghanistan ne se transforme en débâcle pure et simple, ce qui rendrait totalement vain le sacrifice des soldats français, il faut d’urgence exiger des Américains une redéfinition stratégique, qui prenne la suite du retrait.

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