Retraites : Aubry contestée par sa gauche

Martine Aubry, à Paris, le 2 octobre dernier, lors de la journée d’action contre la réforme des retraites. Crédits photo : Lemouton Stephane/Abaca
Les partisans de Hamon et d’Emmanuelli critiquent l’allongement de la durée de cotisation à 41 ans et demi.
Il y a des engagements qu’on n’est pas prêt à prendre au sein de la gauche du PS: accepter sans rien dire l’allongement de la durée de cotisation à 41 ans et demi pour financer le système de retraites. Alors, lorsque Martine Aubry a cherché à clarifier la position du Parti socialiste sur la réforme des retraites, jeudi dernier sur France 2, en précisant que les socialistes y étaient favorables, la première secrétaire en a inquiété plus d’un.
À les entendre, le message est mal perçu en pleine mobilisation sociale. «Avant, dans les manifestations, on n’entendait qu’un “Non à Dominique Strauss-Kahn”. Maintenant, on entend aussi “Non aux 41 ans et demi”», rapporte un membre du courant de Benoît Hamon. Cela grincerait donc. «L’électorat s’interroge sur notre volonté réelle à faire une autre réforme des retraites» que celle du gouvernement, poursuit-on. Le retour à un âge de départ à 60 ans serait une promesse inaccessible pour le plus grand nombre.
«Martine Aubry va dans le mur», s’alarme donc le maire du XIVe arrondissement de Paris, Pascal Cherki. «Affirmer une position sur les 41 ans et demi, c’est nous mettre en décalage avec la mobilisation sociale. Au moment du contrat première embauche, est-ce qu’on a dit qu’on était d’accord avec une partie du projet du gouvernement?» Dimanche soir, il a publié sur son blog un message éloquent à destination de la première secrétaire, intitulé: «J’ai un doute». Dans l’entourage de Benoît Hamon, Razzy Hammadi, secrétaire national aux services publics, s’interroge aussi: «La différence avec la droite ne peut pas être une question de curseur.»
Corriger le tir
Négociées âprement au printemps dernier, les propositions du PS sur la réforme des retraites avaient fait l’objet d’un équilibre entre l’aile droite et l’aile gauche du PS. L’allongement de la durée de cotisation y figurait, mais de manière un peu floue. L’aile gauche a l’impression de se faire forcer la main par l’aile sociale-démocrate soucieuse d’éviter la multiplication des promesses.
Aujourd’hui, la gauche du parti voudrait cependant voir le tir corrigé. Tenu par sa position de porte-parole, Benoît Hamon évite de s’engager. Si le PS a critiqué «l’absence de négociation» du gouvernement, il ne peut pas dire que sa propre réforme ne sera pas discutée, explique-t-il en substance. L’ancien ministre Henri Emmanuelli est plus explicite: «La durée de cotisation doit faire partie de la négociation avec les syndicats» en 2012, affirme-t-il. «Nous n’avons pas à décréter que ce sera comme ceci ou comme cela.» Pour le député des Landes, le PS doit rester en phase avec «les classes moyennes et les classes populaires».
L’inquiétude est là: la gauche du Parti socialiste craint plus que tout la non-différenciation politique. «Une partie de notre électorat risque de s’abstenir si on donne le sentiment que le PS c’est la droite en moins pire», explique-t-on. On attend une mise au clair avec la première secrétaire, mais pas lors d’un bureau national. Hors de question de mettre en scène une division, promet-on.
Pour Martine Aubry, la fronde de son aile gauche risque d’être gênante, au-delà du débat sur les retraites. Sa candidature potentielle aux primaires est portée notamment par le courant de Benoît Hamon et d’Henri Emmanuelli qui défendent la «légitimité» de sa candidature. Ils ne souhaitent pas voir la ligne de Dominique Strauss-Kahn l’emporter.
Les retraites relancent les divisions de la CFE-CGC
La contesrtation contre la réforme des retraites a ravivé la guerre interne à la CFE-CGC. Les opposants au président Bernard Van Craeynest et à son projet de créer une «troisième force syndicale généraliste» – et non plus catégorielle, centrée sur les seuls cadres et techniciens – lui reprochent d’avoir embarqué leur centrale dans un conflit qui ne concerne pas leurs militants. Peu d’entre eux défileront d’ailleurs aujourd’hui lors de la huitième journée de mobilisation contre le texte discuté au Sénat. «Cela ne sert à rien de perdre son temps dans les rues», tranche Philippe Jaeger, le président de la fédération chimie. «Il est regrettable que l’on se soit opposé au report de l’âge de départ à la retraite à 62 ans, alors que cette mesure ne touche pas les cadres», abonde un autre opposant interne. «On a glissé sur un terrain de contestation politique qui n’a plus rien à voir avec les raisons pour lesquelles nous étions entrés dans le co nflit», ajoute un troisième, qui regrette que la CFE-CGC ait soutenu les appels à la grève. «Que reste-t-il de notre message? s’interroge un dernier contestataire. Rien, si ce n’est que cette réforme est injuste pour les femmes, et sur la base d’éléments qui ne sont pas l’essentiel de la réforme.»